Actions américaines : une année 2025 sous le signe de la prudence
Jérôme Boumengel
Directeur de l’analyse et des prévisions chez TrendFi Expertise
Les actions américaines ont plutôt bien réagi à la réélection Donald Trump. L’idée dominante ? Le pragmatisme l’emportera et les effets positifs de ses réformes libérales finiront par compenser les inquiétudes liées à la croissance et à l’inflation. Ce discours optimiste, partagé par de nombreux analystes jusqu’à mi-décembre, prédisait une année 2025 marquée par la hausse des bourses américaines et des retombées globalement positives pour le reste du monde.
Les prévisions reposaient sur un cocktail d’éléments favorables : croissance économique, gains de productivité, baisses d’impôts, désinflation et politiques monétaires accommodantes. La baisse des prix de l’énergie, favorisée par une déréglementation du secteur avec des forages à tout va, était aussi citée comme un facteur clé. Mais le début de l’année, 2025 a pris une tournure bien différente : les certitudes vacillent et les doutes s’accumulent autour de la nouvelle administration américaine qui a pris officiellement ses fonctions le 20 janvier.
Ces incertitudes se concentrent sur trois grandes questions.
1- L’inflation
La politique économique de Donald Trump pourrait-elle relancer l’inflation, contrariant ainsi les espoirs de nouvelles baisses des taux d’intérêt par la Réserve fédérale ? Son président, Jerome Powell, semble s’inquiéter d’une telle hypothèse. Les dernières données sur l’inflation ne permettent pas d’affirmer que la situation est sous contrôle.
2 – Les risques de récession
La hausse des tarifs douaniers, l’expulsion de centaines de milliers de travailleurs clandestins et les coupes budgétaires prévues par la nouvelle administration pourraient entraîner une augmentation des prix, fragilisant ainsi l’économie. En parallèle, la hausse des taux d’intérêt pourrait accroître le risque de récession.
3 – La soutenabilité des déficits
Enfin, la capacité des États-Unis à financer leurs déficits pourrait être mise à mal si la nouvelle administration se heurte à l’hostilité des principaux créanciers du pays.
Face à ces interrogations, les marchés actions commencent à montrer des signes d’hésitation. Alors que la nouvelle équipe gouvernementale s’apprête à prendre les commandes, les marchés financiers naviguent dans des eaux troublées, entre espoir et prudence. Les prochains mois seront déterminants pour mesurer l’impact réel des choix économiques de Donald Trump sur l’économie américaine et mondiale.
Concernant l’indice S&P500, la tendance haussière qui s’est dégagée après la phase de correction de 2022, et qui s’est accélérée en 2024, commence à donner des signes d’essoufflement. C’est notamment ce qu’indique la divergence baissière entre les indicateurs techniques et le SP500 (Cf. graphique ci-après).
Si le mouvement de hausse peut encore se poursuivre en direction du haut de son canal à 6400 points, de nombreux indicateurs boursiers suggèrent de devenir prudent et de profiter de ce mouvement pour alléger les positions gagnantes. Il serait alors intéressant de se repositionner sur des marchés beaucoup moins valorisés à l’instar des marchés européens.
La « participation » des actions du S&P500 à la tendance haussière se dégrade
Le graphique ci-dessous représente l’indice de participation, à savoir, le pourcentage d’actions du S&P500 dont la moyenne mobile à 13 semaines est supérieure à la moyenne mobile à 26 semaines, ce qui caractérise assez bien une tendance haussière.
On constate qu’après l’élection de Donald Trump, la participation des actions du S&P500 à la progression de l’indice s’est considérablement réduite. Celle-ci est tombée d’un sommet à 80% à seulement 51% il y a quelques jours. Il y a donc de moins en moins d’actions qui participent à la dynamique haussière de l’indice, ce qui témoigne d’une fragilité de la tendance et de son potentiel de progression limité.
La prime de risque suggère un optimisme excessif
Le graphique ci-dessous compare le rendement moyen anticipé sur 12 mois des actions du S&P500, c’est à dire l’inverse de son P/E prospectif, avec le rendement des emprunts d’Etat américain à 10 ans. Ce spread constitue un bon proxy de la prime de risque prospective du marché des actions.
Cet écart entre les 2 courbes est le plus faible depuis 2008, autrement dit, la prime de risque montre un niveau d’appétit pour les actions américaines particulièrement excessif. Cette situation peut encore perdurer quelques temps mais elle finira tôt où tard par reprendre le chemin de la normale, ce qui pourrait se traduire par une hausse du rendement moyen anticipé et donc une baisse de l’indice SP500. Une baisse des actions pourrait également enclencher un mouvement de « flight to quality » en faveur des obligations souveraines qui verrait alors leur rendement diminuer.
Les valorisations élevées devraient commencer à freiner les acheteurs
Le graphique ci-dessous représente le PE de Shiller du SP500 qui se calcule en divisant la capitalisation boursière de l’indice par la moyenne sur 10 ans du résultat net, ajusté par l’inflation, des actions qui composent l’indice. Le ratio est actuellement à 38,5 un niveau très au-dessus de sa moyenne sur 20 ans qui se situe à 27,1. La valorisation du marché apparaît donc très élevée. La dernière fois que le ratio avait atteint une telle valorisation remonte à janvier 2022.
Ce niveau élevé constitue un facteur supplémentaire de fragilité qui peut rendre les actions vulnérables à des déceptions relatives aux résultats futurs. Si les bénéfices des entreprises déçoivent ou si l’environnement macro économique se dégrade, le risque de correction se matérialisera.
Achevé de rédiger le 22:01/2025
Jérôme Boumengel
Directeur de l’analyse et des prévisions chez TrendFi Expertise