Les formules collectives d’investissement dans l’immobilier ont le vent en poupe. Foncières cotées en Bourse ou OPCVM dédiés, SCPI (Société Civile de Placement Immobilier) et, désormais, OPCI (Organisme de Placement Collectif en Immobilier), sont de plus en plus plébiscités par les investisseurs. La raison : des performances ou des rendements encore très confortables en cette période de « disette monétaire ». Dossier réalisé par Frédéric Tixier.
Ils ne représentent encore que l’épaisseur du trait sur le grand livre de l’épargne des Français : 120 milliards d’euros à fin 2015, dont 50 environ réellement détenus par les particuliers. Une goutte d’eau donc, comparé à la valeur de l’immobilier physique résidentiel (estimé à plus de 6 000 milliards), ou même de l’assurance vie (1 588,6 milliards à fin mars 2016). Mais une goutte d’eau en pleine phase d’hydratation… Les véhicules collectifs investis dans l’immobilier, souvent désignés sous le terme générique de « pierre papier », connaissent en effet un succès croissant auprès des épargnants, qui s’est encore accéléré l’an dernier. Selon les dernières statistiques de l’IEIF1, la capitalisation des quatre piliers de la pierre papier – SIIC2, SCPI, OPCVM immobiliers, et OPCI – a en effet bondi de 20 % entre fin 2014 et fin 2015. Preuve que le secteur est dynamique, et sait s’adapter aux attentes des investisseurs et aux évolutions réglementaires, c’est le petit dernier du tétraptyque de la pierre papier – l’OPCI – qui affiche le taux de croissance de ses encours le plus impressionnant : +122 % ! Cette formule d’investissement à mi-chemin entre la SCPI et l’OPCVM, dont la version grand public a vu le jour en 2008, a collecté l’an dernier près de 2,5 milliards, soit trois fois plus qu’en 2014 et huit fois plus qu’en 2013…

Une progression générale des encours
Cette envolée des OPCI ne se fait pas au détriment des formes plus anciennes de la pierre papier. Leurs « grandes sœurs », les SCPI, connaissent elles-aussi un succès grandissant. L’an dernier, elles ont recueilli 4,3 milliards de souscriptions nettes, soit 45,8 % de plus qu’en 2014. Les SIIC affichent également une année record en termes d’appel aux marchés. Les 32 foncières recensées par l’indice Euronext IEIF SIIC France ont émis plus de 11 milliards d’euros de capitaux en 2015 (5,6 en 2014), dont plus de la moitié en obligations et obligations convertibles. Leur capitalisation a progressé de 14 % l’an dernier (mieux que le CAC 40), les cours des plus performantes ayant gagné jusqu’à 70 %, comme la société Bleeker, une foncière qui s’est développée sur le marché des locaux d’activités, bureaux et plateformes logistiques. Quant aux OPCVM dédiés à l’immobilier, eux-mêmes investis majoritairement dans les titres des SIIC françaises et européennes, leur bilan est un peu moins positif. En 2015, ils n’ont collecté que 577,1 millions, soit 24,3 % de moins qu’en 2014. Mais leur capitalisation, en raison de l’effet marché, a néanmoins progressé de 19 %.
Des performances exceptionnelles dans un environnement de taux bas
Cet engouement pour les véhicules de la pierre papier s’explique bien sûr par les performances qu’ils ont délivrées à leurs actionnaires ces dernières années. L’immobilier physique, essentiellement commercial (bureaux, commerces, entrepôts…), dans lequel ils investissent majoritairement, affiche en effet des rendements très largement supérieurs aux placements financiers traditionnels. Les taux servis par les meilleurs actifs immobiliers – actifs core, en langage financier – se situent encore aujourd’hui de 2 % à 3 % au-dessus des rendements offerts par les obligations d’Etat européennes, une référence pour les investisseurs institutionnels. Un « spread », comme disent les professionnels, qui permet aux formules collectives investies en immobilier d’afficher elles aussi des rémunérations très au-delà d’une référence de marché, pour les épargnants cette fois, celles des fonds en euros.
Les SCPI, par exemple, ont distribué un rendement moyen de 4,85 % à leurs détenteurs l’an dernier. C’est moins qu’en 2014 (5,08 %) ou en 2013 (5,15 %), mais cela reste toujours très confortable, comparé aux supports sans risque de l’assurance vie, crédités d’une performance moyenne, nette de frais, de 2,3 % l’an dernier. Les OPCI, investis à la fois directement en immobilier physique et indirectement en titres de foncières cotées, font également mieux que les fonds en euros : 4,89 % l’an dernier, après 2,25 % en 2014 et 3,88 % en 2013. Ces produits souples et liquides, essentiellement distribués via des contrats d’assurance vie, sont d’ailleurs désormais considérés comme une alternative crédible aux fonds en euros par les compagnies d’assurance, de plus en plus nombreuses à les intégrer au sein de leurs offres. Quant aux SIIC et aux OPCVM immobiliers, dont la performance dépend à la fois de la bonne santé de leurs marchés sous-jacents – l’immobilier commercial physique – et de celle des marchés financiers, ils affichent eux aussi des résultats qui les placent dans le peloton de tête des placements financiers : +12,9 % pour les SIIC en 2015 (après respectivement +16 % et +12 % en 2014 et en 2013), et +16 % pour les OPCVM (contre +20 % en 2014 et +8,6 % en 2013).
Les rendements de la pierre papier

Source : IEIF
Des outils de gestion patrimoniale aux caractéristiques communes
Mais ce n’est pas seulement pour leurs rendements passés et actuels que les épargnants sont aussi friands des supports de la pierre papier : ces produits présentent en effet des avantages intrinsèques qui ont tout pour séduire les investisseurs privés à la recherche d’un placement de moyen long terme. SIIC, OPCVM immobiliers, SCPI ou OPCI offrent en effet le triptyque d’un investissement sécurisant : diversification, délégation, et accessibilité. La mutualisation des risques, autrement dit la diversification des actifs composant les portefeuilles, est une constante commune à toutes ces formules. A l’exception de quelques SCPI, en cours de constitution, ou très spécialisées, ces supports sont en effet investis sur une multitude d’immeubles ou d’actifs immobiliers, le plus souvent situés dans des zones géographiques différentes, ou relevant de catégories sensibles à des facteurs économiques divergents. Le risque de dévalorisation, mais également de perte de revenus, compte tenu de la multitude de locataires, est donc beaucoup plus faible que sur un investissement immobilier physique direct que pourrait réaliser un investisseur particulier. A cette dimension mutualisation s’ajoute évidemment l’attrait d’une délégation à des professionnels de la gestion immobilière. C’est l’assurance d’une meilleure maîtrise des dépenses et de réelles actions de valorisation du patrimoine – rotation, rénovation, … – mais également la possibilité d’accéder à une classe d’actif – l’immobilier d’entreprise – dans laquelle peu de particuliers sont susceptibles d’investir en direct. Et qui rapporte actuellement beaucoup plus, on l’a dit, que l’immobilier résidentiel…
L’accessibilité constitue également l’une des caractéristiques de la pierre papier, à l’instar des autres formules de placement collectif. La valeur des parts, pour les SCPI, OPCI et OPCVM, ou des actions, pour les SIIC, est en effet généralement assez faible (jusqu’à quelques milliers d’euros toutefois pour un premier investissement dans une SCPI), ouvrant ces produits à presque toutes les bourses. Enfin, la liquidité, contrairement à certaines idées reçues à l’encontre notamment des SCPI, est elle-aussi au rendez-vous, plus évidente bien sûr pour les titres de foncières cotées. Tous ces avantages, auxquels s’ajoute le tropisme de l’immobilier (la distribution de rendements réguliers), expliquent pourquoi les placements de la pierre papier sont particulièrement adaptés, par exemple, à la préparation de la retraite. Notamment les SCPI qui offrent, en plus, la possibilité d’être financées par emprunt.
Risque de surchauffe ?
Ce tableau idyllique doit bien sûr être nuancé. Car le proverbe boursier qui stipule que « les arbres ne montent pas jusqu’au ciel » s’applique évidemment aussi au secteur de l’immobilier d’entreprise. Or celui-ci est désormais clairement entré dans une phase de tension. Les acteurs de la pierre papier ne sont pas les seuls à investir dans les bureaux, commerces de centre-ville ou centres commerciaux, entrepôts et autres actifs à usage professionnel. Ces marchés qui, on l’a dit, offrent une prime de risque historiquement élevée, attirent les investisseurs du monde entier, institutionnels et autres fonds d’investissement. L’an dernier, ce sont au total près de 260 milliards d’euros qui se sont déversés sur les actifs immobiliers européens (16 % de plus qu’en 2014), dont 29 milliards sur le seul marché français (+4 % par rapport à 2014). Un afflux de capitaux qui a pour conséquence de faire monter les prix des immeubles, et plus particulièrement ceux des quartiers d’affaires les plus recherchés, et donc d’entrainer une baisse des rendements, les loyers n’étant pas, eux, orientés à la hausse… Une situation qui inquiète certains observateurs qui craignent notamment les conséquences négatives d’une possible remontée des taux d’intérêt sur le secteur immobilier. Les plus optimistes considèrent que cette hausse, si elle intervenait, serait progressive : elle n’affecterait donc que marginalement la valorisation des actifs immobiliers. Surtout, ils entrevoient une amélioration de la situation des locataires, les entreprises, essentiellement. Le moteur des loyers pourrait donc redémarrer et contrebalancer l’effet taux, contribuant à la stabilisation globale des rendements. Quel que soit le scenario économique qui l’emportera, il faut toutefois s’attendre à ce que les performances des véhicules de la pierre papier soient moins éclatantes au cours des prochaines années. Reste à savoir si elles demeureront supérieures à celles des autres placements…

Les 4 formules de la pierre papierLes SIIC – Les Sociétés d’Investissement Immobilier Cotées (SIIC) sont, comme leur nom l’indique, des sociétés foncières cotées en Bourse. Le statut SIIC a été introduit en France en 2003, et remanié à plusieurs reprises. Il s’inspire du statut anglo-saxon REIT (Real Estate Investment Trust). Comme toutes les foncières, l’objectif des SIIC est d’acquérir et de gérer un patrimoine immobilier. Et, bien entendu, de le faire fructifier. Une activité qui leur procure des revenus (les loyers encaissés), mais aussi, le cas échéant, des plus-values générées lors de la revente d’une partie de leur patrimoine. Ces produits, déduction faite des charges de fonctionnement, sont distribués aux actionnaires sous forme de dividendes. Mais la particularité des SIIC, c’est leur régime d’imposition. Elles jouissent en effet de la transparence fiscale : les dividendes sont imposés directement chez l’actionnaire, sans passer par la case impôt sur les sociétés, dont les SIIC sont exonérées. En contrepartie de cet avantage -qui les a exclus du PEA depuis septembre 2011-, les SIIC ont l’obligation de distribuer au moins 85% de leurs revenus locatifs, et 50% de leurs plus-values de cessions. Ce qui explique pourquoi les actions de foncières sont, en général, championnes du rendement… Une rentabilité qu’elles peuvent encore doper grâce à l’effet de levier de l’endettement. A la différence d’autres formules de la pierre papier, les foncières financent une grande partie de leurs investissements par de l’emprunt. A fin 2015, leurs dettes représentaient, en moyenne, un peu plus de 43% de leurs actifs. Un avantage en période de taux bas : les SIIC se refinancent actuellement sur les marchés obligataires à des taux souvent inférieurs à 2%… Les OPCVM immobiliers – Il s’agit tout simplement des fonds communs de placement qui investissent majoritairement dans des titres immobiliers cotés en Bourse. Leur actif est essentiellement composé de foncières françaises ou européennes, parfois internationales. Certains de ces fonds sont eux-mêmes cotés en Bourse (les ETF). L’IEIF recensait au total 50 OPCVM immobiliers au 31 mars dernier. Les SCPI – Les Sociétés Civiles de Placement dans l’Immobilier ont vu le jour au début des années 1970. Il s’agit en fait, pour faire simple, de SCI (Société Civile Immobilière) pouvant faire appel public à l’épargne, et contrôlées de ce fait par l’AMF. Leur objet, comme les SIIC, est d’acquérir et de gérer un patrimoine immobilier « physique ». A la différence de ces dernières, elles utilisent moins, en moyenne, l’effet de levier du crédit. Leur principale source de financement provient donc des capitaux apportés par les souscripteurs. On distingue deux types de SCPI : à capital fixe, ou à capital variable, cette dernière forme juridique étant désormais privilégiée par les sociétés de gestion de SCPI. Dans les SCPI à capital fixe, les souscriptions sont possibles lors des phases d’augmentation de capital, même si un marché secondaire périodique permet d’acheter (et donc de revendre) des parts. Dans les SCPI à capital variable, les entrées/sorties sont théoriquement possibles à tout moment. Les SCPI sont également segmentées en fonction de la nature de leurs actifs (bureaux, commerces, …), sachant qu’une partie (infime) d’entre elles investissent dans l’immobilier résidentiel (dont les SCPI fiscales). Le gros « défaut » des SCPI est le niveau de leurs commissions de souscription (de l’ordre de 10%), que leurs promoteurs justifient en rappelant qu’elles correspondent, peu ou prou, aux droits d’enregistrement et aux frais de transaction immobiliers. Leur fiscalité peut aussi être un handicap car, en vertu de la transparence fiscale dont elles bénéficient, les revenus versés par les SCPI sont taxés comme des loyers. Les OPCI – Les Organismes de Placements Collectifs en Immobilier sont de création plus récente, leur version grand public datant de 2008. Il s’agit, toute proportion gardée, de SCPI « opcvmisées ». Leur forme juridique est en effet proche de celle des OPCVM, et leur fiscalité suit celle des revenus de capitaux mobiliers (ou celle de l’assurance vie s’ils sont logés dans cette enveloppe). Destinés à être plus « liquides » que les SCPI -via notamment un système de souscriptions/rachat comme celui des OPCVM-, les OPCI ne sont pas exclusivement investis en immobilier physique. Si les actifs immobiliers représentent de 60% à 90% de leurs portefeuilles, cette poche non cotée doit simplement être supérieure à 51% de l’encours. Le reste est constitué d’immobilier coté, et de placements de type monétaire (au moins 10%) pour assurer la liquidité du produit. |
1 L’Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière est depuis plus de 20 ans un organisme d’études et de recherche indépendant. Il fournit des informations, des analyses et des prévisions sur les marchés et les investissements immobiliers en France et en Europe.
2 Société d’Investissement en Immobilier Cotée