L’activisme actionnarial, du mythe à la réalité

Emmanuel Gentilhomme
Rédacteur en chef La lettre des Placements
Editorial de La lettre 2061 du 14 février 2024
Chaque jour ou presque, les indices boursiers défient la gravité : autant dire qu’il est tentant de se laisser porter par le marché.
Y a-t-il encore une place pour les activistes, ces « investisseurs trublions » qui veulent gagner de l’argent sur une action en tentant de faire bouger les lignes de l’entreprise dont elle émane ?
Il faut croire que oui : la banque Lazard a dénombré 252 campagnes de ce genre dans le monde en 2023 (+ 7 %), du jamais vu. Car les activistes se renouvellent : sur les 183 actionnaires – souvent des hedge funds – qui ont agi de la sorte, 77 s’y essayaient pour la première fois. C’est un autre record. Leur géographie change : si le phénomène est d’origine américaine, il s’étend puisque c’est l’Asie (44 cas en 2023, + 37,5 %) et l’Europe (69 cas, + 15 % dont 29 « primo-activistes »), autant de chiffres inouis, qui tirent la tendance.
Concentrons-nous sur le Vieux Continent : l’an passé, les pressions activistes se sont comme d’habitude concentrées sur le Royaume-Uni (41 % des cas), où la cote boursière est vaste. Si traditionnellement la France arrive ensuite, l’Allemagne (20%) et l’Italie (10%) l’ont devancée cette fois. Quels sont les sujets de prédilection de ces agitateurs en Europe ? Outre les sièges d’administrateur, les campagnes ont porté, dans 64 % des cas, sur le périmètre de l’entreprisevisée, en exigeant cessions ou scissions. Comme Bluebell, récemment arrivé chez Worldline, qui a demandé à l’allemand Bayer de scinder ses activités agricoles et pharmaceutiques. Ou Engine Capital, qui a voulu couper en deux le distributeur chimique Brenntag, lui aussi allemand. Et cette année ? La France pourrait bien être une cible de choix, selon un sondage réalisé par le cabinet Skadden, qui ajoute un élément intéressant : selon un autre sondage, 74 % des entreprises répondantes ont déclaré avoir été approchées au cours des 12 derniers mois. À croire que le phénomène se banalise et qu’il s’assimile au dialogue classique entre la direction de l’entreprise et des actionnaires impliqués.
Que l’actionnaire retire-t-il de tout cela ?
C’est la partie triste de l’histoire : si l’action visée connaît souvent une effervescence au début, le soufflé retombe généralement ensuite. Au bout d’un an, calcule Lazard, la vie de l’entreprise reprend ses droits, et la surperformance est en moyenne à peine positive.
Emmanuel Gentilhomme
Rédacteur en chef La lettre des Placements
Achevé et rédigé 14 février 2024
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