Funds magazine – Aurélie Fardeau – 26 juin 2025
Interview d’Anne Gaignard, Directrice Générale de Place des Investisseurs
Longtemps réservée aux institutions publiques, l’éducation financière s’impose aujourd’hui comme un outil stratégique de communication pour un grand nombre d’acteurs. A l’heure où les Français s’informent massivement via les réseaux sociaux, la frontière entre pédagogie et promotion commerciale devient de plus en plus floue.
Les 20 et 21 septembre 2024, Nicolas Chéron, stratégiste boursier aux 150 000 abonnés sur Twitter, organisait le Sommet de l’Investisseur, un événement en ligne au cours duquel il a fait intervenir des gérants, des experts de la finance… et ses partenaires commerciaux. Avec une audience imposante, puisque les 12 heures de live ont rassemblé jusqu’à 20 000 personnes en direct et bien plus en replay.
Cet expert de la Bourse, passé par Zonebourse, CMC Markets, Binck, etc., a fait de la pédagogie sa marque de fabrique. Après des années à pratiquer la création de contenus pour ses employeurs, il a finalement décidé de prendre son indépendance. « Pendant 10 bonnes années, j’ai été salarié, avec pour mission de rédiger des contenus, faire des vidéos, des conférences et d’apporter des clés de lecture des marchés aux investisseurs particuliers, résume-t-il.
A force de créer des chaînes YouTube, de développer des comptes Twitter et LinkedIn pour des marques, je me suis rendu compte qu’à chaque fois que je changeais de société, je devais repartir de zéro. Le covid aidant, mes propres comptes ont pris de l’ampleur et j’ai alors eu envie de capitaliser sur ma propre image de marque et ma notoriété. » S’il a été précurseur avec une présence sur les réseaux sociaux dès 2010, Nicolas Chéron n’est plus seul sur ce créneau, avec des centaines de comptes d’influenceurs positionnés sur la thématique de l’éducation financière.
Pourtant, il y a peu, ce sujet était encore l’apanage des grandes institutions. En effet, depuis 2016, sous l’impulsion de l’OCDE, la France s’est dotée d’une stratégie nationale d’éducation économique, budgétaire et financière (appelée Educfi) opérée par la Banque de France. Elle s’appuie sur différents relais, dont des institutions, des associations professionnelles et des associations.
Le défi est grand tant la réputation des Français en la matière est mauvaise. Les épargnants seraient peu éduqués, averses au risque, trop attachés à l’immobilier et aux livrets, etc. Derrière ces constats, un objectif pointe : « Il faut qu’une partie de l’épargne des Français finance l’économie réelle, affirme Anne Gaignard, directrice générale de Place des Investisseurs (ex-Fédération des investisseurs individuels et des clubs d’investissement, F2iC).
C’est un constat partagé au sein de l’écosystème, mais l’essentiel du travail mené porte sur l’offre. Or, il faut aussi œuvrer sur la demande, car il y a un sujet d’acceptation. Les jeunes actifs n’ont pas été formés à l’investissement, donc il faut leur donner des clés de compréhension. »
D’ailleurs, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a indiqué dans son plan d’action pour 2024 vouloir définir une stratégie d’éducation financière centrée sur les nouveaux investisseurs, constatant que ces derniers ont tendance à surestimer leurs connaissances financières et à s’informer davantage sur les réseaux sociaux.
«Certains acteurs comprennent qu’il y a un intérêt général dont tout le monde va bénéficier, et d’autres sont plus court-termistes.»

Anne Gaignard directrice générale , Place des Investisseurs
De nouveaux modes de communication
Reste que, pour cette population, le discours officiel et les modes de communication anciens sont difficilement audibles. A contrario, de nouveaux acteurs investissent le terrain des réseaux : influenceurs, conseillers en gestion de patrimoine, créateurs de contenus, sociétés en tout genre (gérants d’actifs, courtiers, fintech, etc.). « Cette tendance est globalement positive dans la mesure où elle permet de parler davantage d’investissement, est un sujet tabou en France, relève Anne Gaignard.
Mais il faut trouver un équilibre. Certains acteurs comprennent qu’il y a un intérêt général dont tout le monde va bénéficier, et d’autres sont plus court-termistes. Nous, nous avons un objectif : faire croître la communauté des épargnants et faire en sorte qu’ils soient plus éclairés et actifs. » L’association a lancé fin 2024 un collectif avec 8 acteurs de la place pour rendre l’éducation financière accessible à tous via une plateforme de formation, Investisseurs Academy, qui ouvrira d’ici l’été.
Certains établissements financiers sont particulièrement actifs sur le sujet. « L’éducation financière est un enjeu sociétal majeur et il est de notre rôle d’y participer en tant que première société de gestion européenne, considère ainsi Natacha Andermahr, directrice de la communication d’Amundi. Il existe de grandes disparités en termes de connaissance économiques et financières ; Or, il faut aider les investisseurs particuliers et les encourager à trouver des solutions d’investissement qui leur permettent de financer leur retraite. »
Avec l’essor d’une génération do-it-yourself, non conseillée et recourant massivement à des plateformes en ligne, l’enjeu est encore plus marqué. Pour le gérant d’actifs, c’est aussi une question de notoriété. « Nous ne vendons pas de solutions financières en direct, mais nous devons accompagner nos distributeurs, non seulement en leur fournissant des placements, des services et des solutions technologiques, mais aussi en faisant en sorte que leur clientèle finale connaisse Amundi », ajoute Natacha Andermahr.
«Le recours à des prescripteurs n’est pas une nouveauté, ce qui est différent c’est l’utilisation accrue des réseaux sociaux et du digital.»
Natacha Andermahrdirectrice de la communication , Amundi