Quand une OPA n’est pas une bonne affaire
Rédacteur en chef La lettre des Placements
Prisées des actionnaires individuels pour les primes qui leur sont associées, les OPA ont souffert, l’an dernier à la Bourse de Paris, de la hausse des taux d’intérêt, qui complique les affaires des acheteurs. Après 43 OPA en 2021 et 32 en 2022, le cabinet EY n’en a dénombré que 23 en 2023. S’y ajoute cet amer constat : ces deux dernières années, «la quasi-intégralité des opérations (plus de 90 %, NDLR) a été initiée par la société elle-même ou par un actionnaire de référence », et non par un « vrai» acquéreur extérieur à l’entreprise. Les OPA vont-elles repartir en 2024, à l’instar de SII, qui a quitté la cote en mars ?
Peut-être, mais malgré des primes instantanées attrayantes – surtout en 2023, où son niveau médian a atteint 42,9 %, calcule EY –, gare aux faux-semblants. Considérons par exemple l’OPA à 12€ sur Chargeurs, qui présentait une prime de 34,1 % : grâce à elle, le patron et principal actionnaire, Michaël Fribourg, est monté d’environ 30 à 66 % du capital. Comme il ne souhaitait pas de retrait de la cote, il est satisfait du résultat, ce qui confirme à nos yeux le caractère opportuniste de l’opération : il ne s’agissait pas de racheter le groupe, mais d’en prendre le contrôle à moindres frais, bien en dessous des 29€ frôlés par le titre en novembre 2021. Les minoritaires ne partagent probablement pas son appréciation optimiste de la situation, d’autant que l’action est maintenant repassée sous 12€. Jetons aussi un œil à Boiron.
Les actionnaires familiaux et un fonds de private equity, qui ensemble détenaient 75,56 % du groupe, ont lancé une OPA à 39,64€ (coupon détaché) en visant la sortie de la cote. Soit une prime instantanée dont le niveau élevé (36 %) est relativisé par le sommet atteint par l’action (vers 100€). Verdict : Boiron restera cotée à Paris puisqu’à l’issue d’une offre franchement boudée par les minoritaires, l’initiateur n’est parvenu qu’à 78,98 % !
Terminons avec Believe, sur lequel un consortium veut lancer une OPA à 15€, avec une prime instantanée de 21 %, mais aussi un sommet de 20€. Le label Warner Music, que le consortium a voulu contrer avant d’être rappelé à l’ordre par l’AMF, envisage d’offrir au moins 17€. Tout comme la rédaction (voir La lettre 2067), la Bourse y croit, puisque l’action se rapproche de ce dernier cours. Moralité : même avec une prime apparemment généreuse, les OPA peuvent desservir les intérêts des actionnaires minoritaires, qui ont le droit de dire « non ».
Emmanuel Gentilhomme
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